Quel état des lieux dressez-vous des big data ?

Philippe Van Impe : « Si les outils technologiques existent, on est encore aujourd’hui confronté à la problématique des silos de données sur la partie organisationnelle. Ces silos dépendent d’une division ou d’une organisation au sein d’une grande société. La source d’information unique n’est pas encore réalisée : toutes les données ne se trouvent pas au même endroit et ne sont pas accessibles de la même manière par tout le monde, comme on pourrait en rêver. Cela demande beaucoup d’efforts de la part des grandes sociétés pour mettre ces données dans un « data lake », autrement dit un endroit où l’on peut stocker globalement toutes les informations de l’entreprise. »

À quoi est dû ce problème ?

Ph. V. I. : « Il y a plusieurs causes. En premier lieu, il y a la problématique de « privacy », c’est-à-dire de respect de la vie privée. Si quelqu’un ne donne pas son autorisation à l’exploitation de ses données, c’est tout un système qui devient très vite inexploitable. Pire encore : si techniquement et juridiquement, c’est exploitable, les sociétés ont tout simplement peur d’exploiter ces données ! En Europe nous sommes les champions de la régulation ! C’est à un point tel qu’aujourd’hui, aucun juriste n’oserait s’aventurer à vous dire quels types de données vous pouvez partager ou non. »

À quels défis sont confrontées les entreprises désireuses de passer à la digitalisation ?

Ph. V. I. : « Le premier défi consiste à trouver les bons consultants pour implémenter les bonnes solutions. Le deuxième défi est d’implémenter une solution qui dépasse la phase de test ; autrement dit, il faut que lorsque la solution est industrialisée, elle puisse réellement être disponible pour tous. Trop souvent, les entreprises utilisent des outils open source qui, une fois la phase d’industrialisation entamée, réclament d’autres types d’outils, d’autres méthodes et un contrôle plus important qu’avec des outils performants. Autre grand défi : une société qui veut passer à la digitalisation doit fournir un effort dans la formation des managers. Si un manager ne comprend pas ce qu’il peut accomplir et jusqu’où il peut aller avec l’analytique, il ne pourra pas, dès le départ, décider si la solution proposée par le consultant est bonne ou mauvaise. »

Quel conseil donner en la matière ?

Ph. V. I. : « Celui de travailler pas à pas et d’aller jusqu’au bout de la démarche. Mieux vaut multiplier les cycles que d’avoir une solution trop compliquée, trop raffinée au départ, sans quoi on ne mettra pas en place cette solution. Il faut pouvoir passer très vite à la phase industrielle, même avec un outil de base, quitte à ajouter ensuite d’autres paramètres. Dit autrement, il faut que l’entreprise puisse prendre des décisions immédiates sur seulement une partie des données… plutôt que ne rien décider du tout ! »

Quel sentiment avez-vous par rapport à la transformation digitale ?

Ph. V. I. : « De nos jours, créer une société qui n’est pas soutenue par une stratégie digitale est impensable. On dit souvent qu’il n’y aura bientôt plus que trois types de sociétés : celles qui ont terminé leur transformation digitale, celles qui l’ont presque atteint et toutes les autres en banqueroute parce qu’elles ne l’auront pas fait à temps. Un environnement purement digital permet d’optimaliser toute la gestion de la société. Il y a des métiers où c’est moins nécessaire : un plombier n’a pas besoin d’être 100 % digitalisé, mais il aura besoin d’être à jour pour agir de manière digitale avec ses clients et fournisseurs, qui le seront sans doute. Même placer un bon de commande ne sera plus possible s’il ne le fait pas en ligne… ou ce sera plus cher. Il faut faire avancer la transformation digitale : on n’a plus le choix ! »

 

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