Après les Pays-Bas, l’Allemagne et la France, la Belgique est le principal partenaire commercial de la Grande-Bretagne. Avec le Brexit, les entreprises belges pourront-elles garder cette position ?
 

Tom Parker : « Cela dépendra de l’accord qui sera trouvé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Nous nous dirigeons, me semble-t-il, vers un Brexit assez dur. Début mars, la Première ministre, Theresa May, a clairement indiqué que le Royaume-Uni ne ferait plus partie de l’Union douanière ni du Marché intérieur. Les impacts risquent d’être nombreux et compliqués. Les secteurs d’activités belges qui seront le plus impactés sont l’automobile — qui représente quelque 15 % des exportations belges vers le Royaume-Uni —, le pharmaceutique, les produits chimiques et le textile. Il reste toutefois une marge de négociation. En outre, l’idée d’une période de transition est actuellement en discussion. »

 

En matière fiscale, vers quoi pourrait-on se diriger ?
 

T. P. : « Ici aussi, les choses ne sont pas encore très claires. Jusqu’à présent, les négociations se focalisent sur le passé, en particulier sur la finalisation de l’accord trouvé en décembre. Néanmoins, au niveau fiscal, il y a beaucoup d’enjeux et de changements attendus. Le problème de la TVA se profile à l’horizon : une fois la Grande-Bretagne hors de l’UE, on sera obligé de payer la TVA sur tous les contrats, sur toutes les livraisons et acquisitions. On se dirige donc aussi vers des négociations bi- et multilatérales. Tout cela pourrait avoir un impact non négligeable sur le cash-flow des petites sociétés. Nous conseillons à nos membres de réaliser dès à présent un audit de leur situation fiscale. »
 

Tom Parker, Vice-président de la Chambre de commerce britannique UE & Belgique et responsable de la Commission Brexit : « L’idée d’une période de transition est actuellement en discussion. »

 

Depuis les résultats du référendum, la livre sterling s’est fortement dépréciée par rapport à l’euro. Tout ce que les Britanniques importe../../finances/nt_leur_co_ucirc.css;te donc plus cher. Les entreprises, belges en particulier, ne devront-elles pas revoir leurs prix à la baisse pour rester compétitives ?
 

T. P. : « Il est certain que si un fabricant regarde sa chaîne d’approvisionnement et constate qu’un produit qu’il importe ../../finances/est_devenu_trop_cher__il_risque_d_rsquo.css;aller voir ailleurs. À la mi-mars, une société du sud-ouest de l’Angleterre approvisionnée par un fournisseur allemand a décidé de se tourner vers un fournisseur japonais, car les prix pratiqués par le groupe allemand étaient devenus trop élevés à la suite de la baisse de la livre sterling. Il faudra forcément en tenir compte dans la stratégie d’affaires des sociétés. »

 

À propos de stratégie, quelles opportunités les entreprises belges peuvent-elles saisir ?
 

T. P. : « Je pense qu’elles doivent se focaliser sur les nouveaux marchés qui leur seront ouverts. Avec notamment moins d’accès au marché européen, certaines sociétés britanniques songeront à se délocaliser dans l’UE. En tant que ville internationale, Bruxelles tirera ici des avantages du Brexit, en particulier dans le secteur des services comme les avocats, les comptables et les bureaux de communication. Par ailleurs, bon nombre de sociétés américaines ou internationales quitteront Londres pour se tourner vers des cabinets de conseil ailleurs en Europe, probablement surtout à Bruxelles. On en a déjà eu quelques exemples ; plus les négociations avanceront, plus tout cela se marquera. »

 

Comment les entreprises belges peuvent-elles déjà se préparer au mieux aux changements à venir ?
 

« Les entreprises belges ont tout intérêt à envisager dès aujourd’hui les multiples impacts du Brexit, car les risques sont importants. »

T. P. : « Beaucoup de sociétés ont déjà mis en place des « task forces Brexit » afin de bien gérer la situation. Ces équipes sont dédiées à la gestion des très nombreux changements qui interviendront. Une fois ces équipes en place, il est également fondamental d’effectuer un audit de tous les contrats conclus avec des entreprises du Royaume-Uni, mais aussi de se poser des questions très pratiques comme l’engagement éventuel de Britanniques dans les sociétés belges. Un autre volet important est de mettre en place un système de veille pour suivre les négociations, notamment, en ce moment, celles qui portent sur le timing du Brexit. Si, par exemple, une période de transition de deux ans est conclue, cela laisse plus de temps aux entreprises belges pour gérer le tournant. Enfin, sur la base de toutes ces informations, on peut alors élaborer un nouveau business plan. »

 

À quoi d’autre les entreprises belges doivent-elles être attentives ?
 

T. P. : « Il y a encore énormément de choses sur lesquelles nous devons travailler. Les entreprises exportatrices de produits devront par exemple vérifier l’impact du Brexit en matière douanière, entre autres au niveau des déclarations de douane. Il ne faut pas oublier non plus qu’il y a la possibilité de devenir un « opérateur économique autorisé », ce statut facilitant les importations et exportations de produits. Il faut aussi penser aux chaînes d’approvisionnement, car même si une société est prête, cela ne veut pas dire que ses fournisseurs le sont, ce qui peut poser problème. Il est aussi judicieux d’envisager un plan d’urgence auquel se référer en cas de problème. Il est en effet fort probable qu’au lendemain du Brexit, des complications apparaissent. Par exemple, que faire si les produits qu’on attendait ne sont pas livrés ? Enfin, si l’entreprise évolue dans un secteur fort réglementé, il est nécessaire de considérer l’impact qu’aura le Brexit. C’est par exemple le cas dans l’industrie automobile, dont des sociétés ont utilisé le Royaume-Uni comme autorité pour le système d’homologation ; avec l’arrivée du Brexit, elles devront revoir leurs procédures. »

 

Conclusion ?
 

T. P. : « En résumé, si elles ne s’y sont pas déjà mises, les entreprises belges ont tout intérêt à envisager dès aujourd’hui les multiples impacts du Brexit, car les risques sont importants. Si elles ne s’y préparent pas suffisamment bien, le risque principal est de se faire coiffer au poteau par un concurrent qui, lui, sera déjà prêt ! »