Dominique Michel, CEO de Comeos
Fédération du commerce et des services

En revanche, lorsque le commerce tousse, c’est toute l’économie qui s’enrhume. Or, notre créativité et notre esprit d’entreprise, visant un service optimal du consommateur, se trouvent fortement sous pression. Les marges se réduisent sans cesse tandis que le terrain de jeu s’est considérablement étendu – de la Belgique à l’Europe.

L’e-commerce : menace ou opportunité ?

Les deux. En principe, il s’agit d’une opportunité unique d’étendre le modèle actuel à travers un canal supplémentaire, permettant au commerçant d’approcher et de servir le client différemment. Cependant, force est de constater que nous risquons de devoir déclarer forfait : la pression des pays voisins ne cesse de s’accroître. Le risque est double. D’une part, nous risquons de perdre de plus en plus de recettes au profit des concurrents étrangers, qui peuvent opérer dans de bien meilleures conditions. D’autre part, nous risquons de voir fuir les commerçants belges à l’étranger pour pouvoir profiter de ces conditions. Dans ce cas, nous continuerions d’acheter « belge », mais les recettes iraient en réalité à des établissements situés à l’étranger.

Pourquoi les conditions sont-elles meilleures à l’étranger ?

Certaines situations ont déjà trop duré et nous devons y mettre un terme d’urgence. Les coûts salariaux demeurent notamment trop élevés – bien que le tax shift semble enfin apporter du changement à ce niveau – et nos entreprises souffrent d’un manque de flexibilité. Ainsi, il n’est toujours pas possible d’occuper des travailleurs la nuit dans le secteur de l’e-commerce. Dès lors, tout qui commande un colis en Belgique doit patienter un jour de plus que s’il avait commandé le même produit aux Pays-Bas ou en France. Par ailleurs, la pression fiscale se fait de plus en plus forte également. Or, toute mesure prise par le gouvernement pour renflouer les caisses de l’État se répercute in fine sur le consommateur. Taxe santé, fiscalité locale débridée, hausse des accises sur l’alcool, taxe kilométrique : autant de taxes qui font grimper les prix à la caisse. Et affaiblissent directement notre position concurrentielle.

Le commerce physique classique s’en trouve-t-il menacé ?

Lorsque vous perdez des parts de marché au profit de concurrents étrangers – tant en ligne que dans les magasins physiques –, vous disposez bien entendu d’une marge de manœuvre plus limitée pour améliorer vos services, investir dans de nouveaux concepts ou continuer à innover. Or, se renouveler sans cesse pour continuer de répondre aux attentes du consommateur est une condition sine qua non pour survivre dans le commerce. Heureusement, il reste des entrepreneurs qui osent prendre des risques, mettent de nouveaux concepts sur le marché et parviennent à trouver leur public. Il ne s’agit pas uniquement de petites entreprises : les grandes chaînes peuvent, elles aussi, faire preuve d’une innovation surprenante. Tout espoir n’est donc pas mort, mais nous insistons sur le fait qu’une approche globale s’impose pour continuer à stimuler le commerce. La mobilité, la sécurité dans les rues commerçantes, les lourdes charges administratives auxquelles nous sommes confrontés, etc. sont autant de problèmes nécessitant une solution structurelle. Nous disposons en Belgique d’un paysage commercial particulièrement riche et varié et nous devons tout faire pour le préserver. Notre pays offre plus de magasins au consommateur que nos pays voisins et nos magasins proposent en outre un assortiment plus large. Il serait extrêmement regrettable de voir disparaître cette richesse.