Pierre Nothomb et Pierre-Alexis Léonard, tous deux Managing Partners chez Deminor, nous expliquent.
 

Quels avantages voyez-vous aux pactes d’actionnaires ?
 

Pierre-Alexis Léonard : « Le pacte est un élément essentiel. Tout d’abord, il permet d’anticiper des sources de conflit potentielles. Ensuite, si un conflit survient malgré tout, il donnera quelques clés de règlement. On n’est pas nécessairement formé à être actionnaire ou administrateur et, la plupart du temps, dans les entreprises familiales, on le devient du jour au lendemain. »

« À plusieurs reprises, nous avons été confrontés à des personnes qui se rendaient au conseil d’administration la peur au ventre : elles ne connaissent pas le business ; aucun document ne leur est transmis à l’avance ; l’administrateur-délégué les rabaisse en leur faisant comprendre qu’ils ne comprennent rien aux affaires… Des frustrations et des tensions naissent et peuvent générer à terme un désir de sortie de l’actionnaire, des conflits et, parfois, des procédures judiciaires. »

Selon une étude récente, les sociétés familiales sont plus résilientes dans les crises et plus performantes sur le long terme que les autres sociétés.

« Le pacte d’actionnaires permet d’éviter ce genre de situations en mettant en place les principes directeurs de gouvernance de la société : la composition du conseil d’administration, les critères d’engagement des membres de la famille, les conditions d’accès à une fonction dirigeante, la mise en place d’une politique de dividendes pour assurer un rendement aux actionnaires sans rôle opérationnel, les outils de reporting, etc. Même s’il existe certaines balises à respecter, notre Code des sociétés permet d’établir des pactes d’actionnaires taillés sur mesure aux demandes et besoins des familles. »

 

Le plus souvent, comment naissent les conflits ?
 

Pierre Nothomb : « Le fondateur d’une société détient le plus souvent 100 % des parts. Il n’y a donc pas de clivage possible. Quand il y a deux enfants, il y en a souvent un qui reprend plus l’affaire que l’autre pour des raisons diverses, de compétence et d’affinité notamment. Lorsqu’il y a trois enfants, cas assez fréquent, le créateur fait une convention. Puis vient une autre génération. Il émerge toujours une forme de tension entre les enfants actifs dans la société, qui veulent en percevoir plus de fruits, et ceux qui ont fait leur carrière ailleurs ou ne travaillent pas. L’actionnaire qui a le plus de parts va essayer de regrouper le plus de pouvoir autour de lui. De manière implicite, on a la création d’un actionnaire de contrôle face à un ou des actionnaires minoritaires. L’enjeu est souvent le contrôle de la société et la capacité d’en fixer la stratégie. »

 

Le pacte d’actionnaires peut-il améliorer la liquidité d’une participation minoritaire ?
 

Il émerge toujours une forme de tension entre les enfants actifs dans la société et ceux qui ont fait carrière ailleurs.

Pierre-Alexis Léonard : « Dans les sociétés non cotées en bourse, à défaut de marché, les actions sont souvent fort peu liquides. Le pacte d’actionnaires peut renforcer la liquidité des actions en mettant en place des mécanismes tels que la micro-liquidité ou des options d’achat/vente. A défaut de pacte d’actionnaires, la vente d’une participation minoritaire sera rendue plus difficile, surtout dans un contexte conflictuel ou si la société est dans une situation précaire. Sur base de notre expérience, c’est la plupart du temps l’actionnaire de contrôle lui-même qui rachètera la participation minoritaire. L’obtention d’un prix conforme à la valeur du marché dépendra cependant de l’intérêt que représentera la participation minoritaire pour l’actionnaire de contrôle. »

 

Comment peut-on conserver le caractère familial d’une société ?
 

Pierre Nothomb : « Selon une étude récente, les sociétés familiales sont plus résilientes dans les crises et plus performantes sur le long terme que les autres sociétés. Préserver ce caractère familial a de fortes chances de déboucher sur une croissance plus soutenue. Grâce à un pacte d’actionnaires, on peut partager la vision, les valeurs et la stratégie d’une société entre les différentes branches familiales sur une, deux ou trois générations. Nous conseillons toujours de prévoir un accord de micro-liquidité dans le cadre de ce pacte. »

« Chaque année, sur la base des résultats de l’année précédente approuvés par le conseil d’administration, on propose une valorisation annuelle de la société pour permettre des ventes d’actions pendant une durée limitée. Cela se pratique de plus en plus. Avec ce mécanisme, les éventuelles tendances à la vente trouvent une solution à court ou moyen terme. Un autre point fondamental réside dans la gestion de la succession dans les différentes branches d’actionnaires. C’est souvent une question d’entente familiale. Certaines familles restent très liées sur de longues périodes, d’autres se bagarrent dès que survient le premier différend. »