Faire évoluer les législations, pousser l’offre locale belge et remanier l’enseignement semblent constituer les principaux défis. Explications de Benjamin Beeckmans, Président de la Fédération des Métiers du Web et professeur d’entrepreneuriat à la Solvay Brussels School of Economics and Management.

Où se situe la Belgique au niveau de l’entrepreneuriat digital ?

Benjamin Beeckmans : « Le problème principal rencontré en Belgique est que l’on a tendance à boxer en dessous de notre catégorie. Une grande partie de notre talent part vers d’autres pays où le terreau est plus propice à l’entrepreneuriat. C’est dommage, car la Belgique compte de nombreux atouts qui pourraient la rendre concurrentielle à l’échelle mondiale : multilingue, nombreuses start-ups innovantes, bénéficiant d’espaces de coworking florissants, de la présence d’organisations financières majeures, des institutions européennes et d’universités de haut niveau.

Depuis 2 ans, nous observons une prise de conscience à ce sujet de la part des politiques. La Belgique industrielle touchant à sa fin, il faut regarder vers l’avenir et prendre conscience de l’importance d’une modernisation de la société. De nombreuses initiatives apparaissent pour encourager les jeunes dans cette voie, comme le statut d’étudiant-entrepreneur ou le tax shelter. C’est une bonne chose.

Il persiste toutefois en Belgique une certaine peur du risque, notamment de la part des banques, qui n’accordent pas assez facilement de prêts destinés à de jeunes entrepreneurs qui veulent se lancer avec peu de fonds propres… Le capital-risque belge n’a lui pas encore une offre suffisamment développée pour concurrencer des fonds comme Rocket Internet, à Berlin qui a lancé des dizaines de start-ups digitales ces dernières années. »

Quels bénéfices notre société peut-elle tirer de l’entrepreneuriat digital ?

B.B. : « Les possibilités qu’offre le numérique vont plus loin que l’unique sphère digitale et peuvent répondre à de réels besoins de notre société. Nous devons créer une préférence pour le résultat local. Pousser les PME belges à se digitaliser permet d’offrir aux utilisateurs le choix de produits et services proposés près de chez eux. Si une marque belge parvient à devenir efficace en termes de vente en ligne ou de livraison rapide à domicile, les Belges préféreront s’adresser à elle plutôt qu’à une marque française ou hollandaise.

L’entrepreneuriat digital est aussi un bon moyen de créer de l’emploi, avec peu de barrières à l’entrée. Et si les opportunités manquent, créons-les ! Par exemple, vu les problèmes de mobilité en Belgique, pourquoi ne pas créer une zone de survol le long de nos autoroutes pour des drones qui transporteraient de la marchandise ? Si les infrastructures et la législation pouvaient suivre, nous pourrions devenir experts mondiaux en ce domaine »

Les structures pour encadrer les jeunes entrepreneurs sont-elles suffisantes ?

B.B. : « Les structures sont suffisantes, mais ce qu’il manque à présent, ce sont les entrepreneurs. Il faut, dès l’école secondaire et ensuite à l’université, encourager les jeunes dans la voie de l’entrepreneuriat. Le “digital native”, ou enfant du numérique, doit être stimulé. Nous constatons un décalage immense entre ce que les jeunes apprennent à l’école et la réalité de leur quotidien connecté. Dans leurs cours ne figurent pas de programmation, d’écriture Web, de plans d’entrepreneuriat. Ceci alors que l’on voit que les plus belles entreprises digitales ont été créées par des jeunes de moins de 30 ans.

Aujourd’hui, on ne va pas sur Internet, on vit sur Internet. Nous vivons une phase de transition et une profonde modification doit être effectuée dans l’enseignement, afin de créer une génération de créateurs plutôt que d’utilisateurs du Web. En aidant les jeunes à comprendre et à manier eux-mêmes l’évolution digitale qu’ils traversent, on créera les entrepreneurs de demain. »