Les dirigeants de PME propriétaires n’ont pas encore tous accepté le fait que la transmission et la cession étaient une étape normale dans la vie d’une entreprise. « L’objectif d’un patron doit être de pérenniser son entreprise, commence Etienne Hublet, partenaire chez Affix Corporate Finance. Or, aujourd’hui, les jeunes n’ont pas forcément envie de suivre la même voie que leurs parents. Le patron se sent dès lors contraint de vendre son entreprise à quelqu’un d’extérieur à la famille. La génération des baby-boomers est fondamentalement différente de celle de leurs parents, nés au début du XXe siècle. À l’heure actuelle, le but de l’éducation est que les enfants puissent se prendre en charge et deviennent autonomes. Il faut donc convaincre ces patrons que cette transmission n’a rien de honteux, ni d’infamant, et que c’est une étape naturelle. De plus, bien souvent, cette étape se passe sereinement et le patron va non seulement sauver son entreprise, mais aussi sa famille. »

Il arrive que, quand le patron cède la société à l’un de ses descendants, le chemin soit parsemé d’embuches. « Les autres enfants vont se sentir frustrés et considérer qu’ils ont reçu moins que celui qui reprend l’entreprise. Ce dernier peut penser quant à lui qu’il a eu moins de chance que les autres, parce qu’il a hérité de tous les ennuis, tandis que les autres ont reçu de l’argent. Si l’on raisonne à long terme, la transmission professionnelle d’entreprises est le premier garant de la pérennité de la paix familiale ! En retirant l’aspect émotionnel de la transmission de l’entreprise, l’opération se passe nettement mieux. C’est la première démarche qui est la plus difficile. Le patron considère l’entreprise comme l’un de ses propres enfants et que le repreneur vient s’immiscer dans sa famille. Ce n’est pas vrai. Il faut donc conscientiser les patrons à la transmission d’entreprise. »

Toutefois, les candidats repreneurs sont bien plus nombreux que les candidats cédants. « Quand une entreprise est cédée, 30 à 40 personnes vont se bousculer au portillon. En revanche, peu d’entrepreneurs font le choix de céder leur entreprise, reprend Etienne Hublet. Des structures comme la SRIW, la SOWALFIN ou les principaux Invests wallons font un travail remarquable dans ce domaine. Cette démarche va à contre-courant de la tendance générale, en proposant aux patrons de transmettre leur société. Il vaut mieux investir dans la transmission d’entreprise plutôt que dans la création d’entreprise. De même que la sauvegarde d’un emploi existant va coûter moins cher que la création d’un nouvel emploi. »

Une transmission réussie est une transmission bien préparée. « Tout un travail est nécessaire en amont. La cession en soi est un travail à temps plein. Le patron ne doit pas se laisser distraire de son objectif premier, à savoir assurer le fonctionnement de son entreprise. La première chose à faire est de préparer la société à la transmission. Il faut la rendre autonome, faire en sorte que le patron soit le moins indispensable possible. Bien souvent, il y a une telle identification du patron à l’entreprise, surtout quand elle porte son nom, qu’il faut le rassurer sur le fait que son nom et sa réputation seront maintenus. Désormais, cette entreprise doit fonctionner par elle-même avec des processus de fonctionnement les plus indépendants possibles. Si le patron a des connaissances qui ont vendu leur entreprise, ils vont généralement pouvoir le rassurer. »

Grandes étapes

  • La première étape d’une transmission d’entreprise réussie consiste à mettre de l’ordre dans la société. « Avant toute chose, les candidats repreneurs vont regarder la comptabilité. »
     
  • La deuxième étape est de définir le type de cession. « Soit on vend l’entreprise elle-même, soit on vend les actifs, l’activité ou certaines activités de l’entreprise. »
     
  • La troisième étape est celle de la valorisation de l’entreprise. « Différentes méthodes sont utilisées. Avec les méthodes patrimoniales, on valorise l’actif net. Avec les méthodes de rendement, on projette la valeur de l’entreprise en fonction de ses cash-flows (bénéfices, plus charges d’intérêts, plus amortissements) obtenus à partir de ses revenus futurs (budgétés). »
     
  • La quatrième étape est celle de la rédaction d’un mémorandum ou d’une info mémo. « Ce document décrit l’entreprise et résume les tableaux financiers (le dernier bilan, les bilans futurs, les budgets). On en fait autant pour les comptes de pertes et profits. Il est utile d’y ajouter une analyse “SWOT” (forces et faiblesses de l’entreprise) »

Qu’en est-il des candidats ? « Soit ce sont des membres de la famille (enfants, cousins…), ou du personnel. Si des directeurs ou directrices ont des talents d’entrepreneur, ils peuvent effectuer un Management Buy Out (MBO). Cela arrive régulièrement et peut se combiner avec le fait que l’entrepreneur garde encore une position minoritaire dans l’entreprise. Enfin, avec des candidats extérieurs, on procède à un MBI, combinable avec un MBO. »